Selon la Ceni, l'opposant et président de l'UDPS emporte la présidentielle avec 38,57 % des voix devant Martin Fayulu, candidat de l'opposition regroupée au sein de Lamuka qui récolte 34,8 % des suffrages. Le candidat de Kabila, Emmanuel Shadary, ne convainc que 23,8 % des votants.
Ainsi, au regard des résultats donnés par la commission électorale, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, 55 ans, devient le président « provisoirement élu » qui doit succéder au chef de l'État sortant Joseph Kabila, 47 ans. « Provisoirement élu », car les résultats de la Céni peuvent encore faire l'objet de recours devant la Cour constitutionnelle qui proclamera les résultats définitifs. Quoi qu'il en soit, c'est un événement sans précédent en République démocratique du Congo où par trois fois depuis 2016 l'élection présidentielle a été reportée.
Une situation historique
La RDC, plus grand pays d'Afrique subsaharienne, vit ainsi une double situation historique. C'est la première fois qu'un opposant est proclamé vainqueur d'une élection présidentielle après les deux élections de M. Kabila en 2006 et 2011. C'est aussi la première fois que le président sortant acceptera de se retirer sous la pression de la Constitution et non des armes. M. Kabila ne pouvait pas briguer un troisième mandat. Cela dit, il appartient maintenant à la Cour constitutionnelle de publier les résultats définitifs d'ici le 15 janvier, selon l'actuel calendrier électoral qui a pris trois jours de retard. La prestation de serment du nouveau président élu pour un mandat de cinq ans est prévue le 18 janvier, selon ce même chronogramme.
Qui est Félix Tshisekedi ?
Le nouveau président « provisoirement élu » est d'abord le fils d'une figure majeure de l'histoire politique congolaise, Étienne Tshisekedi, décédé à Bruxelles le 1er février 2017. D'ailleurs, près de deux ans après le décès de Tshisekedi père, le corps de celui-ci repose toujours à Bruxelles, officiellement faute d'accord pour les obsèques entre son parti l'UDPS, la famille et le pouvoir. Pour ce qui est de cette campagne présidentielle, Félix Tshisekedi a fait équipe avec l'ex-président de l'Assemblée nationale Vital Kamerhe, lequel doit devenir en cas de victoire confirmée Premier ministre selon l'accord entre les deux hommes.
Son attitude par rapport à Joseph Kabila
Maintenant que la campagne est terminée et que les résultats sont proclamés, il y a lieu de revenir sur l'évolution des attitudes de Félix Tshisekedi à l'endroit de Joseph Kabila. Notons que ces derniers jours, il avait aussi tendu la main au président Kabila. Dans un entretien au quotidien belge Le Soir, M. Tshisekedi avait déclaré au sujet du président sortant qu'il « est évident qu'il pourra vivre tranquillement dans son pays, vaquer à ses occupations, il n'a rien à craindre » s'il quitte le pouvoir. Mieux, il était allé au-delà de ces garanties sur la sécurité du président sortant : « Un jour, nous devrons même songer à lui rendre hommage pour avoir accepté de se retirer. Pourquoi, compte tenu de son expérience, ne pas lui confier des tâches diplomatiques spéciales, faire de lui un ambassadeur extraordinaire du Congo ? » avait-il ajouté.
Allant dans le même sens, le secrétaire général de l'UDPS, Jean-Marc Kabund, avait par la suite suggéré « une rencontre » entre MM. Tshisekedi et Kabila « pour préparer la passation pacifique et civilisée du pouvoir », et ce, avant même la proclamation des résultats. « Nous n'allons pas rejeter la main tendue parce qu'il y a un temps pour tout. Un temps pour s'opposer et se disputer l'électorat, mais aussi un temps pour s'unir », a réagi le porte-parole du gouvernement et du candidat du pouvoir Lambert Mende sur la radio onusienne Okapi. Ces déclarations ont nourri des rumeurs d'un rapprochement qui n'ont pas été démenties et qui ont suscité la colère dans le camp de l'autre opposant, Martin Fayulu. À mots voilés, ses partisans ont mis en garde contre un accord dans leur dos. « Kabila n'a pas à dire : je veux telle personne, je ne veux pas de telle. Ce n'est sa résidence privée ni une affaire de famille, c'est une affaire d'État », a déclaré à l'AFP la porte-parole de la coalition Lamuka formée autour de M. Fayulu, Eve Bazaiba. Quoi qu'il en soit, ces derniers jours, l'opposition et les observateurs de l'Église catholique avaient appelé la Commission électorale à ne pas trahir « la vérité des urnes » avec à l'esprit l'épisode de 2011 où la réélection du président Kabila avait été entachée de contestation et de violences.
Tenir compte de la configuration de l'Assemblée nationale
S'il est confirmé, le nouveau président devra disposer d'une majorité à l'Assemblée nationale pour gouverner. Les élections législatives et provinciales ont eu le même jour que la présidentielle le dimanche 30 décembre. Le nouveau président issu de l'opposition devra aussi composer avec les forces de sécurité acquises au président Kabila et avec les milieux économiques. Il ne pourra manquer de tenir compte du fait qu'avec deux ans de retard, le président Kabila avait accepté de se retirer contraint par la Constitution qui lui interdisait un troisième mandat de cinq ans vu qu'il est au pouvoir depuis l'assassinat de son père et prédécesseur le 16 janvier 2001. Dernier point : Joseph Kabila reste en fonction « jusqu'à l'installation effective du nouveau président élu », selon les termes de la Constitution.
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